31 October 2016

L'histoire derrière le livre Magic Fish Dreaming...


Il y a un peu plus d'un an maintenant, June Perkins m'avait contactée pour illustrer Magic Fish Dreaming : un ensemble de poèmes décrivant, avec douceur, mystère et humour la beauté et la richesse d'une région de l'Australie : le Far North Queensland.
Ce projet m'a plu immédiatement pour plusieurs raisons.

- Tout d'abord, l'approche de June Perkins me laissait entrevoir une personnalité riche et une élégance d’esprit avec laquelle, je le sentais, j'aurais beaucoup de plaisir à travailler.

- Aussi, j'aime la poésie, surtout quand elle s'adresse aux enfants. C'est un merveilleux moyen de dire les choses et un livre de poésie est comme plein de petites histoires qui se lisent et s'écoutent. Les mots jouent avec les sons, et les images jouent avec les mots.


- Ensuite, j'aime l'Australie, que j'ai découverte il y a 5 ans maintenant. C'est un des rares pays qui offre encore des espaces entièrement sauvages et vierges. Un pays où on est facilement et quotidiennement connecté à une nature splendide et incroyable.
Les poèmes de June étaient pour moi comme une porte ouverte sur ce monde que j'avais envie de découvrir. Mais quel plaisir de rentrer dans ce monde à travers l'œil d'un poète tel que June. Ses poèmes sont pleins et généreux d'une multitude d'animaux, de plantes, de fleurs, d’arbres étranges et uniques de cette région de l'Australie. 
D'ailleurs, connaissiez-vous le Lumholtz Tree Kangaroo, le Herbert River Ringtail Possum, le mystérieux Curtain Fig Tree, le Papilio Ulysses...
Autant d'espèces que je ne connaissais pas. Je les ai toutes découvertes avec un œil d'enfant, un œil tout neuf et émerveillé.

Discovering Magic


- Enfin, et là, June touchait à une de mes cordes sensibles, elle insistait particulièrement sur la valeur du multiculturalisme qui reste au cœur de son travail.
Elle souhaitait que ce livre soit plein et enrichi par la présence d'enfants venus de tous les coins du monde, caractérisant cette fameuse diversité culturelle si présente en Australie. C'est d'ailleurs par l'une de mes illustrations "For Our Children" qu'elle avait été sensible à mon travail.

For our Children
Cela me touchait très spécialement, car je suis persuadée que la différence et la diversité culturelle sont toujours un enrichissement. Et c'est notre responsabilité de parents, auteurs, illustrateurs, professeurs, libraires, éditeurs d'éduquer nos enfants dans ce sens. Le livre est un des merveilleux premiers contacts que nos enfants ont avec le monde, pourquoi ne pas les éveiller à ces richesses culturelles ? Cela formera des adultes ouverts et accueillant naturellement la différence


Alors voilà, j'ai accepté ce projet et avec June, nous y avons collaboré étroitement depuis plus d'un an. 
Pendant que June construisait avec beaucoup de prudence le projet, je lisais et relisais et relisais encore ses poèmes, pour que les idées se développent, s'affinent, se précisent, s'enrichissent. 
Je griffonnais toutes mes idées dans un petit carnet. J'apprenais à me familiariser avec toutes ces étranges créatures décrites dans les poèmes, fouillant dans les magnifiques photos de June, mais aussi dans les vidéos, pour voir comment ces créatures bougeaient, évoluaient. J'aurais bien sûr préféré les voir en vrai, mais pour certaines d'entre elles, il faudrait parcourir de nuit les forêts du Far North Queensland (cela est un de mes prochains projets). Ah ! Les nuits en Australie !!! Elles sont uniques.


Ensuite, quand je tenais une idée, je la construisais dans une composition équilibrée.
J'ai eu quelques fois plusieurs idées et plusieurs compositions pour un même poème. J'ai compté près d'une centaine de propositions en tout.
Puis, avec June, nous avons choisi celles qui marcheraient, gardant toujours en tête la dynamique, le rythme, le flot de l'ensemble du livre par les changements de perspective, les choix des gros plans etc...
Un travail long et exigent mais passionnant.
Et enfin, après consultation de toute l'équipe (Matilda l'éditeur, Heidi le désigner et June bien sûr), j'ai travaillé sur la couleur.
Nous imaginions un livre riche en couleur cherchant à créer là aussi une dynamique, un effet visuel qui réveille l'œil autant que l'oreille.
June m'a laissé beaucoup de liberté dans tout le procédé, tout en m'accompagnant fidèlement. Et ensemble, nous avons enrichi tant d’idées. 

Travailler avec June sur ce projet a été une belle et riche expérience. June m'a toujours impliquée dans chaque étape du livre et c'est fascinant de découvrir tout ce qui se cache derrière un livre pour enfant. L'écriture et l'illustration représentent la partie visible de l'iceberg. Réaliser un livre demande un tel travail. 
Je crois pouvoir dire maintenant que les livres pour enfant sont de jolis petits trésors, à consommer sans modération et avec le plus grand soin.



Quelques explications sur les illustrations


La couverture


La couverture demande toujours beaucoup d'attention et de travail. Il fallait avant tout y sentir de la poésie, mais aussi du mystère, du rêve et la beauté d'une nature sauvage.
J'étais partie sur l'idée d'un poisson rêvant sous la lune et June m'avait suggéré de rajouter des enfants d'origines différentes pour représenter le multiculturalisme si présent dans son livre et en Australie.























Hunting For a Poem.

Dans ce poème, on y entend la mélodie du vent, des vagues, on y sent le mouvement et c'est tout naturellement que j'ai imaginé un enfant collectant les trésors de la mer dans son filet. Ce même filet qu'on retrouve à plusieurs reprises dans le livre. June aimait le mouvement et l'énergie de cette jeune fille typée pour tenir ce rôle.



Deux autres options pour ce poème.

June aimait l’énergie de ce petit garçon, mais elle préférait une petite fille typée.

Cette illustration véhiculait de la poésie mais moins le mouvement des vagues et la légèreté du vent.



Beyond Caterpillar Days

June décrit dans ce poème la beauté d'un papillon bleu, immense, se délectant du nectar d'une fleur. Je voulais éviter de faire une illustration décorative qui aurait juste répété par le dessin les mots du poème. J'ai préféré illustrer la métaphore que June veut nous faire entendre. Car tout comme la chrysalide devient un majestueux papillon, l’enfant devient un bel adulte.
On a choisi le portrait de cette enfant aux yeux noirs (sans doute originaire de Papouasie Nouvelle Guinée), d'une part parce qu'on la voulait typée, mais aussi parce que le gros plan ici créait une belle dynamique. 



Une autre option pour Beyond Caterpillar Days, une image qu'on aperçoit souvent dans les jardins du pays.



Wishing for a Fish

Dans ce poème, June raconte l'impatience d'une petite fille qui pêche mais n'attrape rien. Elle s'adresse à ce poisson qui ne mord pas.
Alors plutôt que de montrer l'agacement et l'incompréhension de cette enfant (cela, je le laisse à June car c'est sa part), j'ai choisi de montrer ce qui se passait sous l'eau. Pourquoi diable ce poisson ne mord pas et ne mordra probablement jamais ? 
Une façon pour moi d'accompagner le texte en racontant autre chose. 
Et c'est là ce que j'aime dans l'illustration, créer un dialogue entre le texte et l'image. 





Rain Song

Tout au long du livre, on aperçoit des petits groupes d'enfants tous d'origines différentes. On y voit une petite indienne, un aborigène, une irlandaise... On les retrouve tous rassemblés à la fin du livre dans ce poème, regardant la tempête gronder.
Et un enfant joue de la guitare. Pourquoi ?

After Yasi


Dans un de ses livres After Yasi, June raconte avec optimisme et pudeur la violence du cyclone Yasi. Toute sa famille a survécu aux ravages de cette immense tempête. Elle le dit, le raconte à travers des photos magnifiques et poignantes. 


Je sentais un lien particulier entre ce poème et l'histoire de Yasi. Je cherchais une inspiration très particulière pour ce poème et je suis tombée sur cette image qui m'a beaucoup touchée, de son fils jouant de la guitare devant les saccages de la nature pour apaiser son effroi. Je le voulais présent, là, dans ce poème avec sa musique, sa guitare et tous les autres enfants autour de lui. 




Et ne ratez pas ce petit détail amusant de la grenouille sur une botte d'or : un clin d’œil aux habitants de Tully.





'La Golden Gumboot' est une compétition entre trois villes du Far North Queensland (Tully, Innisfail et Babinda) pour désigner la plus humide des villes australiennes. Ces villes sont situées dans les régions autrefois couvertes par la forêt tropicale. Elles enregistrent les plus hauts niveaux de précipitations du territoire avec de fortes pluies tropicales et des cyclones. Bien que Babinda ait eu plus de pluie que Tully au cours des 40 dernières années, le monument de la botte d'or avec sa grenouille verte a été érigé à Tully.








Pour les autres poèmes, je vous laisse lire, écouter, regarder, interpréter ce que vous y voyez.

Et maintenant, trouverez-vous la grenouille verte cachée dans les cannes ?
Et la queue d'un crocodile tapi sous l'eau ?
Saurez-vous nous dire pourquoi le poisson ne veut pas mordre à l'hameçon ?
Quel message imaginez-vous dans cette bouteille perdue dans l'océan...


Bonne lecture à tous les poètes.

Pour en savoir plus sur Magic Fish Dreaming ici

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